Physique

La Matière Noire existe-t-elle ?

Thu Sep 01 2022 · 7 min read

Grace aux Lois du mouvement de Newton, énoncées dans son ouvrage Philosophiae naturalis principia mathematica en 1687, nous pouvons modeler le mouvement des planètes dans notre système solaire avec haute précision. Selon la Loi de la gravitation universelle, la vitesse de rotation des étoiles d’une galaxie décroit proportionnellement au carré du rayon de la galaxie telle que définie par la formule ci-dessous :

F=Gm1m2r2F = G\frac{m_1m_2}{r^2}

FF est la force gravitationnelle agissant entre deux objets, m1m_1 et m2m_2 sont les masses des objets, rr est la distance entre les centres de leurs masses, et GG est la constante gravitationnelle.

Le problème

Or, les lois de Newton cessent de fonctionner lorsque nous considérons les galaxies à disque : les étoiles localisées aux bords externes, loin des forces gravitationnelles provenant du centre de leur galaxie, se meuvent plus rapidement que prédit par ces lois. Ce fait a été observé en 1969 par Vera Rubin.

Cette observation a conduit à un dilemme important: soit les galaxies sont constituées de plus de matières qu’observées ou soit la gravité se comporte différemment lorsque les distances sont très vastes.

La Matière Noire

À la suite de cela, les scientifiques ont proposé dans les années 1970 l’existence d’une substance mystérieuse, la Matière Noire, qui fournirait la masse gravitationnelle supplémentaire nécessaire, expliquant ainsi la vitesse de rotation accrue des étoiles se trouvant au bord des galaxies à disque. Pour ce faire, cette matière formerait autour des galaxies des halos de particules noires. Cette théorie est aujourd’hui largement acceptée par la communauté scientifique et constitue la majorité des domaines de recherche en physique.

Néanmoins, lors d’un récent vagabondage sur Hacker News suivi de différentes explorations sur le sujet, j’ai découvert que cette théorie ne fait pas l'unanimité dans le monde de la physique et qu’une frange de la communauté scientifique soutient la poursuite de théories alternatives qui expliqueraient mieux notre Univers, et ce sans faire appel à une matière mystérieuse. En effet, jusqu’à ce jour, la matière noire n’a jamais été détectée malgré le fait qu’elle constituerait approximativement 25 % de la masse de l’univers.

Les critiques de cette théorie avancent qu’elle n'existe pas, car de nombreuses observations ne peuvent être expliquées par celles-ci :

Si elle existait, on s’attendrait notamment à ce que le mouvement des galaxies plus légères en orbite autour de galaxies plus lourdes soit ralenti par la présence de la matière noire, dans un processus connu sous le nom de Friction dynamique de Chandrasekhar. Or, ce n’est pas le cas! Au contraire, on remarque une accélération des galaxies qui tombent les unes vers les autres.

En plus des faits précités, des tests majeurs ont mis à mal la théorie de la matière noire de plusieurs façons :

Le timing de la formation d’amas super massif de galaxies

Les modèles basés sur la matière noire ne peuvent, sous n’importe quelle circonstance faire croître des amas supermassif de galaxies tels qu’El Gordo, ayant une masse miles fois celles de la Voie Lactée et de la galaxie d’Andromède misses en ensemble, et en même temps aussi les faire basculer les uns sur les autres, et ce, à l’époque de la création de cet amas, c’est-à-dire lorsque l’Univers n’avait que la moitié de son âge actuel.

L’expansion hétérogène de l’Univers

Les astronomes ont découvert que l’univers local s’étend à une vitesse supérieure (73kms1Mpc173 km s^{-1} Mpc^{-1}) comparée à l’univers distant (67kms1Mpc167 km s^{-1} Mpc^{-1}). Ce phénomène est appellé la Tension d’Hubble. De nombreuses explications basées sur la matière noire ont été proposées au détriment d’une solution beaucoup plus simple, selon Pavel Kroupa, professeur d’astrophysique à l’Université de Bonn en Allemagne : nous nous trouvons dans une région de plus d'un milliard d'années-lumière qui contient un nombre de galaxies inférieur d'un facteur deux à ce qu'il devrait être. Dans ce vide, les galaxies tombent vers les côtés (comme des pommes tombant sur le sol), ce qui expliquerait pourquoi l'expansion de l'Univers local semble plus rapide. Ce vide, qui explique l’expansion locale, est totalement incompatible avec les modèles basés sur la matière noire, car ceux-ci constituent un modèle d'univers homogène et isotrope à des échelles supérieures à quelques dizaines de millions d'années-lumière.

Une théorie alternative

Il serait temps alors d’explorer des théories favorisant l’autre coté du dilemme découvert par Vera Rubin. Il s’agit notamment des théories basées sur le Modified Newtonian Dynamique ou Milgromian gravitation, abrégée en Mond, qui en français veut dire la théorie de la dynamique newtonienne modifiée, théorisée en 1982 par Modehai Milgrom.

Dans sa version primaire, MOND est une théorie moderne non-relativiste de la gravitation qui étend celle de Newton en incorporant des données provenant de galaxies ; données qui n'étaient disponibles ni pour Newton ni pour Einstein, qui ont tous deux fondé leurs déductions sur des données limitées uniquement au système solaire. Grâce à cela, MOND explique le mouvement au sein des galaxies avec exactitude, et ce sans faire appel à la matière noire.

F=GMmμ(aa0)r2F = \frac{GMm}{μ(\frac{a}{a_0})r^2}

μ(x)μ(x) est une fonction d'interpolation, aa l’accélération de l’objet et a0a_0 une nouvelle constante fondamentale qui marque la transition entre le régime newtonien et le régime de MOND.

MOND propose que la force appliquée sur un objet change selon son accélération. Comme dans la loi de Newton, cela signifie qu'à une forte accélération, et ce, à l’intérieur d’un certain rayon, la gravité diminue de 1/r21/r^2. Cependant, à une accélération plus faible et à l’extérieur de ce rayon, la gravité peut diminuer jusqu'à 1/r1/r.

Toutes les prédictions faites par Mordehai Milgrom ont été vérifiées par des observations faites dans notre galaxie ainsi que celles faites dans d’autres galaxies.

Vu que MOND explique si bien le mouvement à l’intérieur des galaxies, pourquoi est-ce que cette théorie n’est toujours pas adoptée à la place de celle de la matière noire ?

Comme avec toutes les théories, il y a plusieurs limitations :

Premièrement, MOND n'explique pas le mouvement entre les amas de galaxies. C’est le cas par exemple de l’Amas de la Balle ou Bullet Cluster en anglais. Les partisans de MOND pensent que le mouvement entre les galaxies pourrait être expliqué par des particules régulières telles que les neutrinos ou de la “matière noire” encore inconnue. Bien que les neutrinos se déplacent trop rapidement pour former des halos à l'échelle d’une galaxie, ils peuvent probablement en former autour des amas de galaxies étant donné que les distances sont suffisamment grandes.

Deuxièmement, l’un des plus grand défis de MOND concerne le début de l’univers. Les physiciens de la matière noire ont déjà montré que leur théorie pouvait très bien reproduire toutes les oscillations liées au rayonnement de fond cosmique, relique des premiers instants de l’univers, témoignant du Big Bang. Néanmoins, la gravité modifiée ou émergente (version améliorée de MOND, théorisée par le physicien néerlandais Erik Verlinde) a échoué à ce test critique jusqu'à présent.

Conclusion

La Matière Noire semble être cette chose omniprésente que les chercheurs en physique n’ont jamais trouvée malgré de puissantes et sensibles expériences. Il serait temps d’explorer des alternatives de façon plus soutenue. Cette orientation implique une remise en question de la communauté scientifique qui devrait allouer plus de ressources pour explorer des théories alternatives telles que MOND comme modèles de notre univers.